Les travailleuses et les travailleurs de la fonction publique du Canada n’ont pas toujours eu le droit de participer à des activités politiques. En fait, l’ancienne Loi sur l’emploi dans la fonction publique leur interdisait pratiquement toute forme de participation à de telles activités. Ce n’est qu’en 1991, à la suite d’une bataille judiciaire de sept ans menée par des membres de l’AFPC avec l’aide de leur syndicat, que la Cour suprême a décidé d’abolir les restrictions visant les activités politiques.
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La vidéo ci-dessous présente une entrevue avec Jeffry House, l’avocat qui a défendu les droits politiques au nom des membres de l’AFPC.
Historique de la cause
En vertu de l’article 33 de l’ancienne Loi, les fonctionnaires fédéraux ne pouvaient ni travailler pour le compte d’un candidat ou d’un parti politique ni militer contre l’un d’eux. Ils ne pouvaient que leur faire un don ou assister à des réunions. Pourtant, ils étaient nombreux à vouloir participer pleinement à des activités politiques. Ainsi, quatre membres de l’AFPC ont entamé des procédures distinctes afin que l’article 33 soit déclaré anticonstitutionnel. Ces actions ont été entendues ensemble, de même que les appels.
Août 1984 – Début des contestations judiciaires
La Commission de la fonction publique c. Barnhart, Camponi, Cassidy, Clavette et Stevens
Randy Barnhart, Linda Camponi, Ken Clavette et Heather Stevens, qui étaient alors fonctionnaires et membres de l’AFPC, désiraient contribuer à la campagne de Michael Cassidy, un candidat néodémocrate aux élections fédérales. Barnhart et Camponi travaillaient tous deux au ministère des Affaires indiennes. Clavette travaillait pour le ministère de la Défense nationale et Stevens travaillait aux Archives publiques du Canada. Chacun d’eux a engagé devant la Cour fédérale une procédure visant à faire invalider l’article 33 de la Loi en soutenant qu’il violait les alinéas 2b) et 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés.
La Commission de la fonction publique c. Osborne; la Commission de la fonction publique c. Millar
Bryan Osborne et William James Millar, respectivement de la Direction de l’actuariat du ministère des Assurances et du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, ont également entrepris de faire valoir leurs droits politiques individuellement devant la justice. En 1984, ils avaient été élus délégués au congrès à la direction du Parti libéral du Canada. Toutefois, ils ont été contraints de démissionner de leurs fonctions de délégués après avoir été informés par leur employeur respectif qu’ils feraient l’objet de mesures disciplinaires s’ils refusaient. Osborne et Millar étaient également d’avis que l’article 33 de la Loi contrevenait à la Charte et ont engagé des procédures distinctes visant à le faire invalider.
1986 – Décision de la Cour fédérale
La Cour fédérale a reconnu qu’il existe au Canada une règle de neutralité politique dans la fonction publique qui exige qu’on impose certaines restrictions aux activités politiques partisanes. Cependant, elle a également reconnu que l’article doit faire l’objet d’une certaine interprétation judiciaire quand il est appliqué à des cas précis d’activité politique. Ainsi, elle s’est contentée de rendre un jugement déclaratoire en dressant la liste des activités auxquelles les intimés pouvaient participer en vertu de la Loi.
En ce qui concerne Millar et Osborne, la Cour a jugé qu’ils n’avaient pas enfreint l’article 33 de la Loi en se faisant élire délégués au congrès. Cependant, elle a conclu que Barnhart ne devait pas agir à titre de scrutateur à un bureau de vote. À l’égard de Camponi et de Clavette, la Cour a précisé qu’ils contreviendraient à l’article 33 de la Loi s’ils appuyaient publiquement un parti politique. Dans le cas de l’intimée Stevens, la Cour a reconnu que l’on ferait une interprétation trop large de l’article 33 si l’on concluait que remplir des enveloppes et adresser du courrier constituaient des activités défendues.
Le gouvernement a interjeté appel de cette décision. Quant à elle, l’AFPC a continué d’appuyer les contestations judiciaires en cours au nom de ses membres.
1988 – Arrêt de la Cour d’appel fédérale
En juillet 1988, la Cour d’appel a infirmé le jugement de la Cour fédérale. Elle a conclu que l’article contesté était trop vague et se prêtait facilement à une application discrétionnaire. En conséquence, elle a estimé que le tribunal d’instance inférieure a eu tort de rendre un jugement déclaratoire qui se limitait à énumérer, parmi les activités des intimés, celles qui étaient permises par la Loi.
De plus, la Cour a conclu que l’article 33 de la Loi portait atteinte au droit à la liberté d’association en affirmant que ce droit visait notamment à permettre que des points de vue opposés soient avancés et contredits dans un cadre électoral.
Le gouvernement a récidivé en interjetant appel de la décision de la Cour d’appel fédérale, mais l’AFPC a continué d’appuyer les contestations judiciaires en cours au nom de ses membres.
1991 – La Cour suprême tranche en faveur des fonctionnaires
En juin 1991, la Cour suprême du Canada a donné raison aux membres de l’AFPC, reconnaissant ainsi les droits politiques de l’ensemble des fonctionnaires fédéraux du pays. En vertu de cette décision (Osborne c. Canada), la nouvelle Loi sur l’emploi dans la fonction publique prévoit que « les fonctionnaires peuvent se livrer à des activités politiques, sauf si celles-ci portent ou semblent porter atteinte à leur capacité d’exercer leurs fonctions de façon politiquement impartiale. »
Grâce aux efforts qui ont été déployés au cours de ces procédures judiciaires importantes, le cadre juridique régissant les droits politiques des fonctionnaires fédéraux a grandement changé entre 1984 et 1991. Les travailleuses et les travailleurs de la fonction publique fédérale, que l’on avait pratiquement muselés jusque-là, sont maintenant en mesure d’exercer pleinement tous leurs droits politiques.
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