Parlons du ‘Libre choix des travailleurs’. Il s'agit de tout sauf. En fait, Pierre Poilièvre, qui jusqu'à dernièrement était le Secretaire Parlementaire du Premier Ministre et se trouve maintenant Secrétaire Parlementaire du Ministre des Transports (une démotion?) veut s'assurer que les travailleuses et travailleurs du secteur public fédéral n'auront pas le choix. Pas le choix que d'avaler ce qu'on leur impose en termes de conditions de travail et de rémunération. Pas le choix que d'accepter ce qu'un gestionnaire "milito-macho-cowboy" dicte en milieu de travail à ses subalternes, qui en trembleront de peur. Aucun choix que d'y répondre avec des "oui, seigneur, à vos ordres, seigneur!"
En 1965 une approche déterminée pour assurer des libres négociations collectives était devenue un des meilleurs accomplissements dans le domaine du secteur public en l'Occident. Notamment, le rapport à Ottawa du Comité préparatoire sur la négociation collective dans le secteur public. Ce comité fut présidé par nul autre que Arnold Heeney, un des fonctionnaires les plus accomplis qu'ait connu le Gouvernement du Canada. M. Heeney était né à Danford Lake, dans l'Ouest du Québec. Il était très instruit et très érudit, et parfaitement bilingue. Il était en réalité le premier Greffier du Conseil Privé et le conseilleur spécial de tous les premiers ministres allant de MacKenzie King jusqu'à Trudeau. Le rapport de M. Heeney, qui était le fruit d'un effort bi-partite entamé sous Diefenbaker, un Conservateur, ensuite sous Pearson, un Libéral, avait mené à la création de l'Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) ainsi que la reconnaissance de l'Institut professionnel du secteur public du Canada (IPSPC) et de l'Association canadienne des employés professionnels (ACEP) à titre de principaux agents négociateurs des employés fédéraux canadiens.
Le Comité préparatoire dans son rapport avait reconnu qu'il était grand temps de révoquer et de moderniser "le système arbitraire et paternaliste qui prévalait surtout en ce qui concerne la détermination de la paie. (traduction)" Ces mots sont de M. Heeney lui-même, dans son livre "The Things That Are Caesar's - The memoirs of a Canadian public servant" publié en 1972 (University of Toronto Press), peu après son décès. J'aurais voulu le rencontrer, lui parler, afin d'en apprendre plus. Il avait dénoncé et participé à la réfonte d'un système de conditions de travail qu'il avait traité d'arbitraire et paternaliste. Arbitraire et paternaliste décrivent bien les efforts de Pierre Poilievre pour mettre sur pied son programme de "Libre choix des travailleurs" qui est tout sauf un choix libre. En réalité, le "Libre choix" de M. Poilièvre ne laisse aucun choix que de retourner aux jours d'antan lorsqu'on se la fermait, et qu'on gobait tout ce qu'on nous imposait; lorsque les élites privilégiées nous parlaient d'en haut et qu'on les regardait d'en bas sans jamais répondre ou riposter de la moindre façon. Oh oui, M. Poilièvre, nous sommes plusieurs à nous rappeler très bien cette époque et qu'en aucun temps avons nous le désir d'y retourner.
Hélas, un retour à un avenir sombre est précisément ce que le "Libre choix des travailleurs" nous imposera. Qui, sauf les conservateurs ainsi que leurs acolytes, croit que ce serait une bonne chose de démolir toutes les institutions qui ont été créées pour assurer la libre négociation collective et les droits progressistes qui ont été si durement gagnés en milieu de travail, surtout par et pour les femmes? Non, nous n'entamerons pas ici le débat sur les mérites de la syndicalisation et des droits collectifs, faute d'espace et de temps. Cependant, si quiconque y compris Pierre Poilièvre désir participer à un tel débat, je suis plus que partie prenante. Toutefois, un débat n'est pas requis pour faire le point sur le rôle prépondérant que l'AFPC et les syndicats des travailleurs fédéraux ont joué dans la réalisation du rêve et des objectifs que M. Heeney avait envisagés dans son rapport. Nous n'avons qu'à énumérer les réalisations obtenues depuis 1965 par la libre négociation collective, qui constitue un véritable libre choix démocratique des travailleuses et travailleurs. Ce qui nous laisse voir à travers les poteaux pourris et troués du programme faux du "Libre choix des travailleurs" de Pierre Poilièvre. Oh pourquoi les programmes et idées de la droite de regressistes-conservateurs doivent se présenter dans le même contexte que l'expression "arbeit macht frei" qui avait une connotation tout contraire? Cette approche est puante de l'odeur du manque d'égard pour l'intelligence et la conscience humaine de progresser vers une société plus égalitaire. Pourquoi ces conservateurs corporatistes y laissent croire que le peuple ne peut comprendre que les choses les plus simplistes? Marie-Antoinette ne pourrait pas mieux l'exprimer.
Le "Libre choix des travailleurs" et "qu'ils mangent de la brioche". Des mots révoltants qui nous font vomir ce qui est indigeste. Présentés par ceux qui se balancent des libertés à la faveur d'une dictature corporatiste en nos milieux de travail, dans nos communautés et dans la société en général. Les syndicats y répondent et ripostent. Les syndicats contestent. Les syndicats gagnent de meilleurs conditions de travail. Au profit de toute la société. Nous y gagnons en tant que membres syndiqués, et par nos cotisations syndicales nous payons nos gains obtenus par la libre négociation collective. Fin de l'histoire. Ce qui fut commencé en 1965 avait formé la fondation de ce qui fonctionne encore aujourd'hui, sauf pour ceux qui prônent un retour aux conditions de travail "arbitraires et paternalistes" d'antan. Tout au nom des profits corporatistes et des abris-fiscaux des multinationales qui enrichissent les élites. Voilà l'agenda politique de Pierre Poilièvre et de ses acolytes regressistes-conservateurs qui siphonnent les pauvres pour engraisser les riches, entre autres par un soi-disant "Libre choix des travailleurs". Arbeit macht frei oblige!
Lorsque je vois Pierre Polièvre je vois le Shérif de Nottingham, sans mentionner la forêt de Sherwood...Allons!