Quelques principes
La plupart des conventions collectives s’appliquant aux membres de l’AFPCrenferment une disposition semblable, sinon identique, à la suivante :
L’employeur peut, à sa discrétion, accorder :
un congé payé lorsque des circonstances qui ne sont pas directement imputables à l’employé‑e l’empêchent de se rendre au travail; ce congé n’est pas refusé sans motif raisonnable.
Les principes suivants résument ce que nous avons appris des décisions arbitrales rendues sur les nombreux griefs ayant trait au refus d’un « congé spécial ». Bien que la disposition qui précède puisse également s’appliquer à diverses autres circonstances qui empêchent l’employée ou l’employé de se rendre au travail, les textes de référence qui suivent valent pour les tempêtes de neige et d’autres conditions météorologiques. Les textes de référence constituent un échantillon de décisions arbitrales.
Le principal objectif de la disposition est de prévoir le traitement exceptionnel à accorder à des employées ou employés particuliers dans certains genres de circonstances. C’est pourquoi on parle de « congé spécial ». En dernière analyse, chaque cas doit être tranché d’après les faits qui lui sont propres.
Premièrement, il s’agit d’établir si les circonstances empêchant l’employée ou l’employé de se rendre au travail lui étaient ou ne lui étaient pas directement imputables. L’employeur doit en arriver à une conclusion raisonnable basée sur les renseignements qu’il a obtenus après avoir mené une enquête prompte et convenable.
Deuxièmement, il s’agit de savoir si l’employeur exerce son pouvoir discrétionnaire d’une manière raisonnable. À cette fin, il faut examiner la situation en toute objectivité, sans tenir compte des facteurs non pertinents, sans oublier de questions pertinentes et sans former d’opinion basée sur des preuves insuffisantes. L’employeur doit mener une enquête prompte et sérieuse. La façon dont une décision est prise et le fondement de celle-ci peuvent être des facteurs clés lorsqu’il s’agira d’établir si le congé spécial a été refusé sans motif raisonnable.
Si l’arbitre estime que la décision de l’employeur est déraisonnable, il ou elle peut la modifier. Toutefois, l’arbitre ne doit pas imposer son propre jugement dans le cas où la décision de l’employeur est raisonnable, même si l’arbitre en serait peut-être arrivé à une conclusion différente à la lumière des mêmes faits. Autrement dit, l’arbitre n’a pas à se mettre à la place de l’employeur et à se demander ce qu’il ou elle aurait décidé dans les circonstances.
Le fait que d’autres employés et employées qui habitent le même secteur se soient rendus au travail n’affaiblit d’aucune façon la validité d’une demande de congé spécial. L’employeur doit prendre en considération la situation particulière de chaque employé ou employée pour établir si les circonstances où d’autres employées ou employés se sont rendus au travail étaient identiques, ou semblables, à celles des employées et employés qui ne l’ont pas fait.
Si l’employée ou l’employé veut que l’employeur exerce son pouvoir discrétionnaire en sa faveur, il ou elle a tout intérêt, voire l’obligation, d’informer l’employeur sur tous les faits pertinents relatifs à la situation qui l’empêche de se rendre au travail. Il incombe à l’employée ou à l’employé d’essayer de convaincre l’employeur que sa demande est valable.
Les mots « se rendre au travail » signifient que la personne se rend au travail à l’heure prévue et prend des mesures raisonnables à cette fin. Ils signifient aussi que la personne déploie tous les efforts raisonnables voulus dans les circonstances. La responsabilité qui incombe à l’employée ou à l’employé de se rendre au travail prend fin à la fin de la journée ou du poste de travail, même si, quand il ou elle le fait, il ne reste qu’une partie de la journée de travail.
L’employée ou l’employé a toujours l’obligation et la responsabilité de continuer de surveiller de près les conditions météorologiques et d’essayer de se rendre au travail (compte tenu des règles de la prudence et de la raison dans les circonstances). Il s’agit notamment d’essayer d’emprunter d’autres routes ou d’autres moyens de transport, comme il est raisonnable de le faire dans les circonstances.
Il incombe à l’employée ou à l’employé qui se trouve à l’extérieur de la région géographique (p. ex., en voyage, à la pêche, au chalet) de vérifier et/ou de surveiller les prévisions ou les conditions météorologiques risquant de l’empêcher de se rendre au travail. Bien que les conditions météorologiques puissent être le facteur qui n’est pas directement imputable à l’employée ou à l’employé, il peut y avoir d’autres facteurs qui lui sont imputables et qui contribuent à son incapacité de se rendre au travail.
En revanche, l’employeur doit raisonnablement prendre en considération les efforts qu’a faits l’employée ou l’employé pour tenir compte des imprévus. L’employeur ne peut gérer les retards dus au mauvais temps avec une rigueur telle qu’il ferait échec aux dispositions sur les congés spéciaux négociées par les parties.
Refuser un congé spécial simplement parce que le congé spécial demandé par l’employée ou l’employé suit ou précède immédiatement un autre congé est une violation directe de la disposition sur le congé spécial. L’employeur doit se renseigner sur les raisons (p. ex., tempête de neige, conditions météorologiques, état des routes) pour lesquelles l’employée ou l’employé n’a pu se rendre au travail, ainsi que sur les efforts qu’il ou elle a faits, y compris sur les mesures qu’il ou elle avait prévues de prendre en cas d’imprévus.
Le choix du lieu de résidence de l’employée ou de l’employé ne justifie pas en soi le refus d’un congé payé. Bien que, dans un nombre restreint de décisions antérieures, l’arbitre ait considéré la distance ou l’« éloignement » comme étant un motif suffisant pour refuser un congé, la majorité des décisions font clairement état de l’obligation de l’employeur d’analyser et d’évaluer objectivement les circonstances dans leur ensemble. Le lieu de résidence de l’employée ou de l’employé compte parmi plusieurs facteurs pertinents du point de vue de la causalité. Les arbitres semblent s’entendre pour dire que le dossier des absences dues aux conditions météorologiques est un facteur qui doit nécessairement entrer en ligne de compte lorsqu’on décide si un emplacement est éloigné ou isolé au point que l’employée ou l’employé doit assumer une partie du risque d’inaccessibilité.
Bien que chaque situation soit différente, il existe en général un certain nombre de facteurs qui tendent à soutenir le droit de l’employée ou de l’employé à un congé spécial payé. Mentionnons les suivants, entre autres : ne pas se fier uniquement aux bulletins radiophoniques, mais faire des efforts sérieux, quoique raisonnables, pour se rendre au travail; rester en contact avec l’employeur pour le tenir au courant de l’évolution des circonstances qui empêchent la personne de se rendre au travail; envisager d’autres moyens de transport; prendre des précautions ou des mesures raisonnables, par exemple, se lever plus tôt que d’habitude ou garer le véhicule utilisé pour se rendre au travail à un endroit accessible si la tempête et ses effets peuvent être prévus.
La norme servant à mesurer l’effort dépend de l’intensité de la tempête ou des conditions météorologiques et elle est fondée sur le bon sens. L’employée ou l’employé n’est pas tenue ou tenu de faire des efforts héroïques ou téméraires pour se rendre au travail; il ou elle est plutôt appelé à faire preuve de jugement, ce qui doit être évalué à la lumière de la raison. Se limiter à une seule tentative et rebrousser chemin après avoir franchi une courte distance pourront suffire dans certaines circonstances. Dans d’autres, il faudra peut-être faire plusieurs tentatives tout au long de la journée. Ou, les conditions météorologiques peuvent être tellement mauvaises ou horribles que ce sera en s’abstenant de toute tentative physique que la personne fera sans doute preuve de bon sens, de prudence et de jugement.
Voici un certain nombre de décisions qui donnent une idée de la jurisprudence en la matière :
Hunter(166-2-5387).
McDougall(166-2-6157); Meldrum (166-2-9156).
Benson et autres(166-2-1557 à 1565); Hunter (166-2-5387); McDougall (166-2-6157); Meldrum (166-2-9156); Ryan et Ryan (166-2-11431 et 42); Critch (166-2-13526).
Villeneuve(166-2-629); Benson et autres (166-2-1557); Rosario (166-2-2443).
Cloutier et autres(166-2-21838, 21839 et 21840); Britton (166-2-19593).
Strickland(166-2-14697).
Ryan(166-2-13828); Strickland (166-2-14697); Martin et Hamel (166-2-14835 et 14836); Dorais (166-2-18311); Britton (166-2-19593); Thomas (166-2- 21965).
Johnston(166-2-21750); Thomas (166-2-21965); Wall [166-34-31356 (Citation : 2003 CRTFP 86)]*; Leblanc [166-2-27837 (Citation : 2001 CRTFP 19)]*.
Chrétien(166-2- 5280); Smith (166-2-14632); Martin et Hamel (166-2-14835 et 14836); Segouin et Spatt (166-2-21024 et 21025).
Barrett(166-2-7738); House (166-2-10320).
Segouin et Spatt(166-2-21024 et 21025).
Townsend(166-2-3460); Charbonneau et Brisebois (166-2-4825 et 4826); Dollar (166-2-5024); Hunter (166-2- 5387); Richmond(166-2-6909); Meldrum (166-2-9156); Warford (166-2-15306).
* Ces documents contiennent deux décisions plus récentes. Bien qu’il s’agisse de décisions issues du processus d’arbitrage accéléré, elles nous éclairent malgré tout sur la façon dont les adjudicateurs traitent de tels cas.