Centre Amethyst pour femmes toxicomanes : la ligne de front d’un petit organisme en pleine pandémie de COVID-19
Lois Ross
Depuis près de quatre ans, je travaille à temps partiel comme coordonnatrice des relations communautaires au Centre Amethyst pour femmes toxicomanes. Ce collectif féministe est syndiqué avec le SEN, un Élément de l’AFPC, sous la section locale 70400.
Je travaille également à temps partiel comme rédactrice et réviseure autonome, et je suis membre du Syndicat canadien des pigistes.
Depuis l’annonce de fermeture des services et commerces, certains aspects de mon travail ont beaucoup changé, d’autres, moins. En tant que pigiste, j’ai l’habitude de travailler de la maison, mais ces jours-ci, je suis également en télétravail pour le Centre Amethyst. Une grande partie de ma journée est consacrée aux communications et aux publications de toutes sortes, notamment pour le Web et les médias sociaux. C’est un moment particulièrement occupé, parce que tout le monde s’efforce d’accomplir en ligne ce qui se faisait en personne.
Mais assez parlé de moi! Laissez-moi plutôt vous parler du travail extraordinaire qu’accomplit Amethyst, un petit organisme de santé autonome et sans but lucratif.
Le Centre Amethyst a été fondé il y a plus de 40 ans par un groupe de femmes qui ont compris que les causes de la toxicomanie chez les femmes ne sont pas les mêmes que chez les hommes. Ce groupe savait que bien des femmes ont besoin d’un endroit où elles peuvent trouver du réconfort sans craindre pour leur sécurité. C’est ainsi qu’est né le Centre Amethyst.
Doté d’une demi-douzaine d’employées et d’un conseil d’administration bénévole, le Centre Amethyst a une longévité qui témoigne de sa résilience. La pandémie qui sévit actuellement a de nouveau fait ressortir l’agilité et le dévouement de son personnel envers ses clientes, et sa détermination à fournir des consultations gratuites au plus grand nombre de femmes possible.
Depuis la mi-mars, comme bien d’autres organismes, nous nous consacrons corps et âme au remaniement de nos services. Nous avons réussi à garder notre « porte ouverte », mais virtuellement, ce qui est tout un défi pour un organisme ayant si peu de ressources!
La confidentialité étant un aspect important de notre travail, il a fallu trouver de nouveaux moyens d’offrir à nos clientes des services sûrs et efficaces. Amethyst s’est adapté à la réalité du confinement et propose depuis quelques semaines des consultations à distance, par téléphone et en ligne.
Nous avons mis en place une plateforme Web confidentielle et des lignes téléphoniques privées. Notre petite équipe d’informaticiens contractuels a travaillé fort pour faciliter la transition, expliquant à nos conseillères comment trouver des fichiers dans le « nuage » et comment utiliser une plateforme du genre Zoom, mais plus sécuritaire. Il a également fallu communiquer rapidement avec nos clientes par divers moyens — téléphone, courriel, site Web et Facebook — pour les informer que nos bureaux sont fermés, mais que nous pouvons leur fournir à distance l’aide psychologique dont elles ont grandement besoin.
Nous avons connu de nombreux défis, tant sur le plan pratique qu’éthique, et la partie n’est pas encore tout à fait gagnée.
Alors qu’on se dirigeait rapidement vers le confinement général, notre personnel s’est activé pour commencer le télétravail en un temps record et continuer à offrir du soutien à nos clientes.
Passer des consultations en personne aux consultations virtuelles est particulièrement difficile pour les personnes qui souffrent d’un traumatisme. Ces femmes, qui vivent déjà en marge de la société dans bien des cas, se retrouvent d’autant plus isolées maintenant et n’ont d’autre choix que de consulter les conseillères de manière virtuelle.
Les mesures de confinement ont avivé la détresse et les craintes de nos clientes. Comme l’efficacité des consultations repose sur le contact humain, intervenir à distance exige de nouveaux moyens de communication, de nouveaux outils et deux fois plus d’efforts pour fournir un soutien concret et efficace. Il y a des aspects du soutien psychologique qui se perdent en mode virtuel. Cela dit, tout le personnel d’Amethyst est en train d’explorer différentes façons d’améliorer les services offerts à distance.
Par exemple, nous avons une liste de clientes qui suivaient des séances de groupe en attendant de pouvoir bénéficier de consultations individuelles. C’est clair qu’on ne peut poursuivre ces séances en personne pour le moment. Pourrait-on le faire virtuellement? Le temps nous le dira. Le Centre est en train d’examiner les possibilités.
Et que dire des clientes qui n’ont pas accès à la technologie, comme le téléphone intelligent, l’ordinateur, Internet ou un forfait de données capable de prendre en charge les séances virtuelles? Combien d’entre elles sont laissées pour compte? Tout le monde n’ayant pas accès à la technologie de façon égale, le travail à distance n’est pas une solution universelle. C’est une grande lacune dont il faudra tenir compte.
Bref, peu importe nos responsabilités au Centre Amethyst, nous devons toutes composer avec la nouveauté. Notre administratrice fait un travail extraordinaire en essayant de préparer les états financiers et de les faire vérifier virtuellement. Il faut beaucoup plus de temps pour numériser, envoyer des courriels et examiner les questions, car la vérification ne peut pas se faire sur place.
C’est sans parler des répercussions sur le personnel qui doit utiliser la technologie en permanence. Les conseillères sont constamment devant l’ordinateur, car elles offrent leurs consultations en ligne ou par téléphone. Les réunions se tiennent toujours en ligne, au moyen de Zoom ou Teams. La fatigue visuelle, les mouvements répétitifs au clavier et de longues heures passées à un bureau peuvent peser lourd même sur les habitués du télétravail, et à plus forte raison sur les personnes qui tiennent normalement leurs consultations en personne. Mais nous le faisons pour nos clientes.
Ainsi donc, le personnel d’Amethyst, tout comme tant d’autres travailleurs du domaine de la santé en télétravail, n’est pas à l’abri des préoccupations liées à la COVID-19 ni de ses répercussions sur la santé de leur famille, leurs parents âgés, leurs proches et leurs collègues. Nous subissons tous les contrecoups de la pandémie, tant sur le plan professionnel que personnel.
Nous essayons de garder le contact, de nous serrer les coudes et de prendre des nouvelles les unes des autres pendant nos réunions virtuelles. Nous savons que nous avons encore beaucoup de raisons d’être reconnaissantes parce que, même si les choses pourraient être mieux, elles pourraient être bien pires. Nous avons un emploi, nous continuons de travailler et nous avons l’avantage d’être syndiquées — et d’être un collectif féministe!
Ça va bien aller! Nos clientes comptent sur nous et nous comptons les unes sur les autres.