« Tolérance zéro pour le racisme » par Albert Dumont

Il n’y a pas si longtemps s’est déroulé un incident qui m’a vraiment écœuré. J’étais à une rencontre pour offrir des mots d’encouragement en reconnaissance de personnes honorées pour leur bon travail, mais aussi pour prononcer une prière et demander au Créateur que tout aille bien. Avant le début de l’activité, l’un des participants s’est approché de moi et m’a dit : « Eh chef! Comment ça va? » Je lui ai tout de suite dit de ne pas m’appeler « chef ». Je l’ai averti : « Je ne suis pas un chef, et si tu m’appelles "chef" encore une fois, on aura un gros problème, toi et moi. »

L’homme s’est tout de suite excusé. Quelques minutes plus tard, il s’est de nouveau excusé. Je lui ai expliqué que « chef » était un terme péjoratif que les Blancs racistes donnent aux hommes des Premières Nations. Je lui ai dit que je ne tolérais pas ça. L’homme m’a avoué qu’il l’ignorait. J’ai accepté ses excuses et nous nous sommes serré la main. Mais l’échange a continué de me préoccuper toute la soirée; le lendemain matin, je me suis levé en y pensant. Je me suis souvenu d’une affiche placée à un endroit très visible dans une pièce où se rencontrent les militants. On y voit une salle à manger où des travailleurs blancs sont regroupés, tandis qu’un travailleur issu des Premières Nations est assis tout seul à une table. Au bas de l’affiche, cette phrase : « Ses collègues l’appellent "chef", ses enfants l’appellent "papa". En grosses lettres : les mots « Tolérance Zéro pour le racisme ». Le message était clair : si ses collègues l’appelaient « chef », ce n’était pas par respect, mais par racisme. Car s’ils le respectaient, ils ne le laisseraient pas manger tout seul.

L’ignorance, c’est parfois comme une claque dans la face. Les paroles de l’ignorant peuvent être aussi blessantes que celles d’un raciste. On doit s’informer des titres et du protocole à adopter avant de s’adresser à des gens de cultures différentes. C’est une question de bon sens, de respect. Que tant de gens ignorent le sens péjoratif que revêt depuis longtemps le mot « chef » ne fait que me prouver une chose : bien des Canadiens ne s’intéressent pas assez aux Premières Nations pour savoir ce qui les offense ou non. Si j’étais chef, j’accepterais le titre avec honneur. Mais je ne suis pas chef, alors, s’il vous plaît, ne m’appelez pas « chef ».

Je n’accepterai jamais que le mot « chef » soit prononcé par « respect ». Si vous me respectez vraiment, appelez-moi donc par mon nom. Mon nom, que m’ont donné des parents aimants. Utilisez-le! Quiconque pense que c’est son « droit » de montrer du « respect » aux membres d’une minorité culturelle (« eux ») par un mot qui lui semble approprié, à « lui », a un sentiment de supériorité qui bouillonne dans son subconscient. Ce qui m’offense, c’est ce qui m’offense, « moi ». Vous faites gravement erreur en ne reconnaissant pas ça!

En tant que militant, je me suis fait une carapace. Je ne serais pas très efficace sans ça. Mes ennemis peuvent bien me lancer des insultes, je suis prêt! Je ne reculerai pas! Je peux en prendre! Mais quand les gens m’approchent sous couvert de respect et d’amitié, puis m’offensent en usant d’une appellation raciste, attention! Ma réaction sera la même que si elle avait été prononcée par un raciste. Les vrais amis ne sont pas si bêtes! Le respect, c’est le respect, ça n’a pas trente-six définitions. Regardez dans le dictionnaire si vous ne me croyez pas.  

Tout ce que je veux, c’est qu’on respecte les Premières Nations, les femmes, les enfants et les hommes de ce riche pays qui est à nous. Est-ce trop demander?

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